Lupus entre au sein des Gardiens de la Forêt...

Au loin se dessinèrent les murailles et les flèches de la Cité des Gardiens, émergeant des bois. Lupus, le regard neutre, son étrange sourire mi-cruel mi-amusé, fit s'arrêter son escorte de vingt hommes.

Tous étaient larges d'épaules et grands, dépassant les deux mètres; mais Lupus les dépassait d'encore quelques centimètres.
La délégation, de loin, aurait semblé être un groupe d'Uruk-Haï... si tant est que des Uruks puissent monter à cheval. Montures comme hommes, vêtements comme selles, mors comme armes, tout était noir, ou d'un métal presque noir.
Les chevaux eux-mêmes étaient des montures incroyablement grandes, aux muscles puissants sous leur poil d'ébène. Les hommes étaient tous vêtus de grands manteaux noirs, fermés par devant, les manches cachant les mains, descendant jusque sur les étriers de manière à cacher même les pieds. Leurs capuchons relevés plongeaient leurs visages dans une ombre noire, dissimulant jusqu'à l'éclat de leurs yeux. Dans leurs manches gauches apparaissaient les seules armes visibles: hallebardes de trois mètres et grands, larges et épais boucliers, tous de ce métal sombre comme la nuit. Leurs manches droites tenaient les rênes, et de temps à autre descendaient sur les encolures pour une caresse dissimulée aux bêtes. Des arcs bandés, également noirs, et des carquois pleins de flèches, noires jusqu'à leurs trois plumes, étaient accrochés aux pommeaux des selles.
Seul Lupus allait le capuchon baissé. De près, chacun aurait pu voir les cheveux courts et la longue barbe en pointe noirs, le nez aquilin surplombant les moustaches, et dessous les fines lèvres, qui apparaissant tout de même dessinent le sourire de Lupus; mais ce qui retient surtout l'attention, ce sont, comme toujours, les yeux verts à la pupille noire traversée de reflets jaunes.
Aucun étendard, aucun blason n'est visible.

Lupus donne d'un seul geste l'ordre de repartir de l'avant. Le groupe d'humains s'approche enfin de la cité, et rentre dedans, se faisant orienté une ou deux fois vers l'Ambassade des Gardiens, par des soldats apparemment méfiants.

Enfin, devant l'ambassade, Lupus et deux de ses hommes démontent souplement, mais sans rien laisser voir de plus que ce qu'ils ont laissé voir jusqu'ici.
Suivit de ses deux hommes qui accrochent rapidement leurs boucliers aux selles mais gardent leurs hallebardes, Lupus pénètre dans l'ambassade, s'enquit auprès d'un garde d'une salle vide utilisable, et s'y rend.
Ayant demandé à ce qu'on annonce son arrivée aux autorités nécessaires, Lupus attend devant la porte d'entrée de la salle un temps, puis entre, scrutant les ombres et les bancs, cherchant les Gardiens du regard. Prenant enfin le parti qu'ils sont tous là, ou du moins que leurs délégués sont présents, Lupus élève sa grave et forte voix, et se lance:

- Messeigneurs Gardiens !

Je me présente: Romanus Lupus, seigneur du Monde de Glace, royaume placé au-delà de la Mer du Levant, aux frontières Est du monde commun d'Orkandia. Royaume autrefois connu sous les noms successifs de Loups de Lorraine, de Dark Tyrannus, puis de Grand Est Sauvage.

Aujourd'hui, messeigneurs, je me montre à vous, venant d'intégrer votre alliance à la suite d'une demande gracieuse de la Noble Dame Ombre. Elle semble penser que je peux participer à vos travaux, et m'intégrer parfaitement chez vous; ce que je crois sans peine, puisque j'ai en moi la volonté de paix et d'amitié entre les peuples...bien que je n'hésiterai pas à semer la mort et la destruction, je vous préviens, pour parvenir à mes buts...et à ceux que fixera l'alliance, bien sûr...

Lupus marque une pause.

- Plus précisément sur moi-même... Je suis un "vieux seigneur", puisque je vis en ces terres depuis avant même la Grande Guerre contre l'Ennemi. J'ai autrefois été assez connu comme seigneur diplomate; j'ai servit comme Garde dans la Garde Impériale de la Reine Asahi, qui s'occupait aussi bien des lieux voués à Dame Herpée qu'à ceux où était autorisé le culte de Hache-Herpée, et ai été responsable de l'organisation désormais disparue des Juristes.
J'ai véritablement servit au sein de trois alliances différentes: les Chevaliers d'Archanges, autrefois alliance très connues de ces terres, désormais oubliée, je suppose; les Royaumes Émérites, qui avaient pour but d'enseigner les arts seigneuriaux d'Orkandia aux nouveaux dirigeants de royaumes; et enfin la Guilde du Phénix, avec qui j'entretiens toujours d'excellentes relations.
A ce propos, le fait que je sois toujours considéré comme la Mascotte des Phénix pose-t-elle problème ?

Laissant les Gardiens réfléchir à cette question en même temps qu'il continue, Lupus reprend:

- J'ai enfin prouvée ma loyauté au pouvoir d'Asahi durant la Quête De Succession, ce qui me valut la prison...et aujourd'hui, je suis plus ou moins affilié au pouvoir en place, et je m'oppose aux rebelles comme les croyants d'Antion et les Sombres Héros, car plus qu'Amras Telenmar et Gorath Semi-Orc, je déteste ceux qui sèment le chaos et la violence pour leur seul plaisir, ou celui d'une prétendue divinité.

Je tiens à votre disposition une petite fiche descriptive de moi-même, si vous désirez en savoir plus...

Lupus tend à un garde présent un parchemin, qu'il a sortit d'une de ses manches, mais réussit à continuer à cacher ses mains dans ses manches.

L’intendant elfe, fut un instant surpris par la délégation qui se présenta devant lui . Cela faisait bien des lustres qu’un tel seigneur ne s’était présenté à l’ambassade de la sorte. Tant par l’éloquence des dires, la maturité de l’homme qui s’exprimait et la puissance qu’exhalaient l’escorte, l’intendant, bien plus jeune, comprit qu’il n’avait pas à faire à n’importe qui… De plus, en ces périodes de trouble, une telle demande de ralliement pouvait interloquer et la méfiance qu’il percevait des deux gardes qui accompagnait ce « Lupus », pour preuve les armes qu’ils avaient gardées alors qu’ils pénétraient dans une enceinte diplomatique, lui laissait une impression désagréable quant à l’attitude à prendre… Cependant, il ne laissa pas voir sont trouble, il fit preuve d’assurance, du moins le tenta-t-il…

Monseigneur,

Les Gardiens de la Forêt sont honorés de votre visite et de votre candidature au tabard de l’Alliance. Je vais de ce pas avertir les Autorités de votre venue et étudier votre demande d’allégeance. Vous n’êtes pas sans savoir, que les gardiens de la Forêt ont une certaine exigence tant par les valeurs morales et que l’intégrité qu’elle réclame de ses membres. Remettez donc moi vos marques de reconnaissances dit-il en s’avançant et en tendant la main pour s’emparer du parchemin que tenait Lupus, et en attendant, je vous propose de vous accompagner, vous et votre escorte dans le petit salon afin de vous restaurer et…

A ce moment précis, une des portes s’ouvrit avec fracas. Un groupe d’elfe dont la tenue vestimentaire ne laissait aucun doute quant à la hierarchie dignitaire à laquelle ils s’apparentaient, venait de faire irruption dans la salle qu’ils pensaient vide, manifestement en discussion houleuse.
« Encore un de ses conseils d’Etat qui venait de se finir, en désaccord total, comme d’habitude depuis plusieurs semaines» se dit l’intendant en voyant pénétrer Alyrion, le Régent et son Etat Major…
L’Etat Major continuait à s’avançait dans la pièce tout en discutant vivement, absorbé par les divergences qui les opposaient depuis les événements à Etemenorkia, quand tout à coup, Alyrion croisa le regard de l’homme aux pupilles noires traversées de reflets jaunes… et se figea. La discussion se stoppa net faisant place au silence.
L’intendant prit alors l’occasion pour annoncer, d’une voix qui se voulait assurée - ça faisait beaucoup pour lui de voir tant de gradés dans la salle… - :

Sire,

Ce seigneur vient faire acte de candidature…

Alyrion brandit sa main, signifiant au jeune intendant qu’il lui coupait la parole, sans pour autant la prendre de suite. Quand un vieil homme rencontre un vieil homme… Les yeux d’Alyrion ne quittaient pas ceux du Seigneur qui se dressait devant lui. Pendant ce moment ou le temps semblait se figer, qui pouvait s’imaginer ce qui se déroulait dans la tête d’Alyrion… La Quête de succession, Theras Kasi, la résistance des troupes loyaliste auxquelles les forces Aldorienne s’étaient ralliées, la chute de la Reine, des batailles et…. Alyrion prononça alors.

Messieurs, je vous présente Romanus Lupus, seigneur du feu Royaume des Loups de Lorraine, ardent défenseur de la capitale et des troupes loyalistes, fidèle parmi les fidèles de la Reine Asahi , un exemple de bravoure et d’intégrité que vos manuels militaires et historiques citent en référence…

En effet, à la citation de « Lupus Romanus » par Alyrion, d’un parfait synchronisme, l’ensemble de l’Etat Major mit genoux à terre, tête baissée en direction de Lupus, signe extrême de salutation…

Lorsque l'intendant s'était avancé, Lupus avait certes remarqué son coup d'œil à ses gardes, mais il n'avait pas réagit: si cet elfe désapprouvait la présence de deux soldats, Lupus n'avait jamais rien pensé de tel dans des lieux diplomatiques...et puis, ses gardes en noir étaient essentiellement là pour présenter l'aspect des troupes aux seigneurs Gardiens, aucunement pour le protéger.

Alors même qu'il écoutait l'intendant, essayant de situer sa position exact au sein de l'alliance -un seigneur ne l'aurait très probablement pas appelé "monseigneur"-, les portes s'ouvrirent violemment, et le seigneur Alyrion et plusieurs autres elfes pénétrèrent dans la pièce.

Sire,

Ce seigneur vient faire
acte de candidature…

Tandis que l'intendant le présentait, Lupus s'inclina face à cet État-Major. Mais alors qu'il relevait la tête, Alyrion le détaillait, puis lança une phrase, au début de laquelle tous les militaires elfes s'agenouillèrent.

Rougissant, le Lorrain ne savait plus sur quel pied danser.

- Monseigneur Régent, messieurs, je vous en prie...

Il ne pouvait donner aucun ordre à ces soldats, et formuler une demande comme celle de se relever lui paraissait difficile à faire sans donner d'ordre ou se montrer grossier malgré lui.

- Messire Alyrion, voyons...je ne suis pas brave, mes troupes n'ont guère eut de faits d'armes exceptionnels...et aussi bien lors de la Quête de Succession je servais Sa Majesté Asahi, aussi bien aujourd'hui je suis affilié -de par les circonstances, certes, mais affilié tout de même- à Gorath et Amras Telenmar...

Loin d'Etemenorkia, il refusa de leur donner leurs titres, et sa voix se chargea de haine en prononçant les noms détestés.

- Vos manuels feraient mieux de ne pas nous citer, moi et mes hommes, en référence: nous sommes bien loin de l'image de héros de guerre, ou même de simples troupes réussissant leurs combats. Mieux vaudrait que vous trouviez de tous autres modèles que nous...

Lupus se tut, toujours très gêné. Bien sûr, il dévaluait énormément les faits d'armes de ses hommes; mais dans l'ensemble, c'était vrai, les Lorrains n'étaient pas de grands combattants, et s'ils étaient apparemment cités, c'était pour leur bravoure et leur constance, qui étaient en fait plus de l'entêtement et de la candeur qu'autre chose...